L’Éditorial
Éditorial 2024
Par la fondatrice, réalisatrice et déléguée générale : Irena Bilic.
Irena Bilic
Fondatrice, réalisatrice et Déléguée générale
« Il ne s’agit pas aujourd’hui de révéler le cinéma social, pas plus que de l’étouffer en une formule, mais de s’efforcer d’éveiller en vous le besoin latent de voir plus souvent de bons films (que nos faiseurs de films me pardonnent ce pléonasme) traitant de la société et de ses rapports avec les individus et les choses. »
« Un chien andalou hurle, qui donc est mort ? Elle est soumise à dure épreuve, notre veulerie, qui nous fait accepter toutes les monstruosités commises par les hommes lâches sur la terre, quand nous ne pouvons supporter sur l’écran la vision d’un œil de femme coupé en deux par un rasoir. Serait-ce là spectacle plus affreux que celui offert par un nuage voilant la lune son plein ? »
Texte prononcé par Jean Vigo au Vieux-Colombier, le 14 juin 1930, lors de la seconde projection du film Un chien andalou de Luis Buñuel.
A peine sortis de somptueuses commémorations et anniversaires historiques, relatifs, dans l’ordre, au génocide arménien, à l’énorme sacrifice qu’était la Grande guerre, aux cent ans de la fin de l’esclavage et des colonies, et, en attente d’imminentes célébrations des 79 années de la Grande victoire sur le nazisme, que nous voilà embarqués dans de nouvelles aventures absurdes, aussi cruelles que lucratives. Nous sommes de nouveau en guerre. Qui l’aurait cru.
Un autre paradoxe défie la raison : la hautement proclamée préoccupation du sujet écologique et de la survie de la planète, et l’invention et l’utilisation des armes radicalement mortelles contre la nature animée et inanimée – hommes, animaux, plantes, toute construction et objet, l’eau aussi.
Depuis 19 ans, L’Europe autour de l’Europe a pour vocation d’exprimer l’identité complexe et multiforme de la civilisation européenne. Dans le panorama de visions cinématographiques de l’édition 2024 – qu’il s’agisse de mémoires historiques et personnelles douloureuses, (Insurgées !, Fadia’s Tree), ou de patiente restitution et analyse de mécanismes du pouvoir colonial (Sweet Dreams, Vue brisée), de regards apocalyptiques, désabusés ou amusés, – chaque film est une station vers la connaissance d’autrui, une stance vers notre âme confuse par le chaos ambiant.
Les films des frères Taviani paraissent encore plus beaux et sages, ceux de Jodorowski et de Vigo encore plus fous et justes, mais tous sont de vrais remparts contre la démente barbarie.
L’intuition des cinéastes des « nouvelles vagues » européennes se réalise pleinement : les fermes frontières traditionnelles entre documentaire et film de fiction s’effacent. Avec Peter Pan, Hypermoon et ‘Home’, par exemple, la distinction n’est plus nécessaire, elle n’est que protocolaire. Ce qui intéresse les jeunes cinéastes c’est la position de l’homme dans le monde d’autrefois et d’aujourd’hui. Ils font « le procès d’un certain monde », se tournent vers « un cinéma social » et d’intérêt général, comme le préconisait Jean Vigo déjà.
Comme notre affiche l’évoque, le visage dans la foule, n’importe quel visage, chaque visage, le regard qui se retourne, qui vous regarde, le visage
d’acteur, le visage de l’homme – c’est l’histoire de l’Homme dans l’Histoire.
Venez donc aussi retrouver Juliette et Jean, les jeunes mariés de L’Atalante dans une autre histoire, celle de Underground de Emir Kusturica, encore un film anthologique du cinéma européen !
Belles projections, belles rencontres !